Rencontre avec un opticien
Pour récolter des informations sur l’achromatopsie et surtout sur les corrections possibles, nous avons décidé de rencontrer un opticien. M. Sanders (G.B optique à Laval) a accepté de répondre à nos questions.
Célia et Anaëlle : A quoi pensez-vous si on vous dit « achromatopsie » ?
Xavier Sanders : Je pense problème de vision des couleurs, que ce soit daltonisme ou achromatopsie, une personne qui voit en noir et blanc, ce qui est extrêmement rare.
C et A : Avez-vous déjà rencontré un achromate ?
X.S: Oui, j’ai connu un achromate. Je l’ai côtoyé un peu, il l’était totalement. Il voyait en noir blanc, mais on ne l’a jamais su. Un jour, nous sommes allés voir « The Artist » et en sortant on a tous dit « c’était marrant, c’est bien ce côté en noir et blanc » et il a dit « Ah parce que c’était en noir et blanc ? ». Tout de suite, on lui a posé des questions et il nous a dit « oui je ne vois pas les couleurs ».
C et A : Donc il vit très bien avec sa maladie ?
X.S : Oui, la seule différence est qu’il voit juste en nuances de noir-gris. C’est vrai que pour nous, c’est plus compliqué. Lui, il va interpréter quand même un peu les couleurs même s’il ne les voit pas, en fonction du reflet que ça provoque. Je pense qu’il arrive à distinguer un peu les nuances.
C et A : Nous imaginons que vous avez aussi rencontré des daltoniens ?
X.S : Oui, je le suis moi-même. C’est beaucoup plus commun que ce qu’on pense, même dans votre entourage il y en a plein. Seuls les garçons peuvent être atteints de daltonisme, mais je vous avoue que pour l’achromatopsie je ne sais pas si les femmes peuvent être touchées…
C et A : Nous savons qu’elle peut aussi toucher les femmes.
X.S : En tout cas, les hommes seront toujours plus touchés que les femmes dans les problèmes de vision des couleurs. Le daltonisme est exclusivement sur les hommes, c’est un gène qui est transmis par la mère et qui est récessif. Donc, ça se transmet en général d’un grand-père à ses petits enfants. Après dans certains cas, il peut y avoir toute la lignée.
C et A : Le gène peut-être chez la mère, mais ne s’exprime pas chez elle ?
X.S : C’est ça, je ne sais pas s’il y a les mêmes causes pour l’achromatopsie totale.
C et A : Peut-on traiter des nystagmus avec des lunettes ?
X.S : Alors, non. Enfin, oui et non. Ce mouvement de la pupille vertical ou horizontal, on peut le calmer avec des lunettes. En général c’est plus expérimental. On essaie avec une correction chez les jeunes enfants, parce qu’une fois adulte, on peut essayer de le calmer mais on ne le règlera jamais vraiment. Il y a par contre certaines activités qui peuvent y aider mais cela dépend de chaque personne. C’est différent en fonction de chaque cas.
C et A : Et pour la photophobie, existe-t-il des verres spéciaux ?
X.S : Il y a plein de sorte de verres qui existent, pour la photophobie, il faut mettre en condition. C’est difficile de dire « C’est ça ! », telle ou telle couleur de verre vont améliorer. Mais, en général quand il s’agit de photophobie, c’est une teinte classique, qu’elle soit marron, grise ou verte. Une légère teinte dans la vie de tous les jours pourra largement aider. C’est vrai que les personnes qui sont achromates n’ayant pas les mêmes contrastes que nous, vont être plus gênées par la luminosité. Essayez de vous mettre dans un monde en noir et blanc, les contrastes sont plus éblouissants. On va donc utiliser quelque chose qui va réduire les contrastes.
C et A : Connaissez-vous les verres RT400 ?
X.S : Alors, je suppose que c’est une coupure de certaines longueurs d’ondes, la coupure à 400 nanomètres. Oui, alors. Par contre, on est sur des verres colorés qui sont plus sur les rouges-jaunes.
C et A : Oui, car ils sont fait pour arrêter les rayons bleus.
X.S : C’est la lumière bleue ? C’est vrai qu’on en parle de plus en plus actuellement. On a découvert récemment que c’était nocif pour les yeux. C’est une lumière qui naturellement gène l’œil humain. Ce n’est pas la lumière bleue que vous voyiez en boîte de nuit, c’est une longueur d’onde bien particulière, très proche des UV, particulièrement gênante pour l’œil humain. Donc oui ça existe, voulez-vous que je vous en montre ?
Il va chercher les verres, nous les montre.
X.S : Il y a plusieurs catégories : A, B, C ou D. En fonction de la catégorie, c’est plus ou moins foncé. On n’a pas le même usage : un usage de nuit, de jour. Il faut voir en fonction de ce dont le patient a vraiment besoin.
C et A : Votre ami achromate portait-il des lunettes spéciales ?
X.S : Oui, il avait des lunettes avec des verres transitions. C’est vrai que je ne l’ai jamais vu devant un ordinateur car c’est une luminosité dégageant beaucoup de lumière bleue comme toutes lumières produites par les écrans tels que les tablettes, les télévisions, les smartphones…
C et A : Pensez-vous que l’achromatopsie soit beaucoup plus contraignante que d’autres maladies oculaires comme la myopie ?
X.S : Oui parce que vous pouvez être achromate et myope. Ca peut être lié, les problèmes oculaires ont un côté génétique. La myopie en fait partie avec un paramètre génétique assez puissant.
C et A : Vous qui êtes daltonien pensez-vous qu’on puisse comparer achromatopsie et daltonisme, ou alors est-ce totalement différent ?
X.S : Non, c’est totalement différent car moi j’ai quand même des photorécepteurs qui peuvent faire le tri des couleurs. J’ai les trois différents types de cônes. Etre achromate est beaucoup plus contraignant.
C et A : Mais nous pensions que chez les daltoniens, il manquait une sorte de cône ?
X.S : Ca dépend, il y a plusieurs styles de daltonisme. Certains daltoniens vont plus développer un problème rouge-vert, d’autres bleu-violet, certains les trois. Le problème n’est pas le manque d’un cône, mais une différence. Il peut y en avoir un petit peu moins sur la rétine donc si vous voulez on est plus ou moins daltonien. Je sais que moi je le suis pas mal. Comme il y a un caractère génétique, mes deux frères le sont aussi, mais je suis le pire des trois.
C et A : Merci beaucoup pour vos réponses et le temps que vous nous avez consacré.